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Prôner la décroissance, ça veut dire quoi ?

La décroissance est un concept économique, politique et social, qui remet en cause l’idée selon laquelle l’augmentation des richesses conduit au bien-être social. Cette théorie vise donc à réduire la production de biens et de services dans l’objectif de préserver l’environnement.

Tous les pays poursuivent un même objectif : produire chaque année plus de richesses que l’année précédente pour favoriser la croissance. Il est généralement admis que plus un pays a de richesse à partager, plus il peut augmenter le niveau de vie de ses habitants. Pourtant, depuis les années 1980, certains prônent la décroissance avançant la logique suivante : la production génère de la pollution et l’épuisement des ressources naturelles (gaz, charbon, sable, eau…). Ces ressources étant limitées et la population ne cessant d’augmenter, le pays est voué à des pénuries pouvant entraîner des crises gouvernementales, géopolitiques voire même l’extinction de l’espèce humaine.

Prôner la décroissance, ça veut dire quoi ?

La décroissance : un concept relativement moderne

Bien qu’avancé par certains auteurs critiques de la révolution industrielle du 19ème siècle – Murray Bookchin, Pierre Kropotkine, Léon Tolstoï notamment – le concept de décroissance ne s’est enraciné dans l’espace intellectuel qu’au tournant des années 1970. En effet, cette même année a été publié le rapport Meadows remis par le Club de Rome affirmant que le système va s’effondrer sous la pression de la croissance démographique industrielle, à moins que chacun ne décide de stabiliser sa population et sa production.

Certains auteurs se sont déjà penchés sur le sujet et jouent les parents idéologiques du mouvement décroissant. Ainsi, le philosophe Jacques Ellul a inspiré les décroissants par sa critique du règne. Dans un domaine davantage orienté vers la politique, André Gorz a théorisé l’écosocialisme, une pensée alternative au capitalisme. Serge Latouche, un économiste spécialiste du développement, est l’un des premiers théoriciens de la décroissance en France. Une formule résume bien le point de départ de ce concept : "La croissance ne peut être infinie dans un monde fini". Il suppose de rompre avec une société consumériste pour s’orienter vers une "société de décroissance".

La théorie de la décroissance, ses enjeux et limites

Contrairement aux idées reçues, le passage à une société de décroissance n’aboutirait pas systématiquement à un recul du produit intérieur brut (PIB) mais exigerait que chaque individu accepte de réduire ses quantités de production et de consommation tout en préservant un même niveau de vie dans l’objectif de se libérer des nuisances liées au productivisme, notamment la pollution et la dégradation de l’alimentation. Toutefois, c’est à ce niveau que les choses se compliquent car cela suppose de s’accorder sur les besoins essentiels alors que les sociétés sont de plus en plus connectées. Est-ce possible de demander cela à des pays en phase d’industrialisation alors que les pays du Nord utilisent largement le potentiel des ressources naturelles depuis plusieurs générations ?

C’est toute la problématique liée à la théorie de la décroissance. Il faut préciser que l’épuisement des ressources naturelles est également un problème global. Selon les théoriciens, il est nécessaire de partir d’initiatives locales pour atteindre l’échelon national puis international. Une telle montée en généralité est difficilement envisageable compte tenu de la divergence d’intérêts des Etats et de la lutte engagée pour le contrôle des futures ressources clés du système planétaire. Les nombreux conflits actuels liés à l’eau en témoignent.

De leur côté, les théoriciens de la décroissance s’appuient sur plusieurs constats pour appeler à la transformation des modes de production et de consommation. Ils précisent que le système économique capitaliste ne peut exister que par une utilisation massive des ressources naturelles et notamment des énergies fossiles, alors que l’épuisement des stocks est inévitable à moyen ou long terme. Selon eux, la multiplication des biens marchands ne se fait qu’au détriment de la justice sociale entre les pays du Nord et le Sud, et de la dégradation des richesses naturelles. Finalement, la décroissance est un concept opposé à l’idée générale que la croissance du PIB et l’augmentation des richesses produites sont nécessaires pour améliorer la qualité de vie des habitants. Ses partisans affirment que ce sont les pays les plus avancés qui doivent diminuer la quantité de richesses qu’ils produisent puisque ce sont eux qui consomment la plus grande quantité de ressources naturelles.

Si la théorie de la décroissance soulève de vraies questions sur la pérennité du système actuel, elle est souvent qualifiée d’utopiste car elle demande des changements culturels et une solidarité nationale qui semblent impossibles à mettre en place.

Décroissance ou développement durable ?

Si un consensus semble se faire sur la notion de développement durable, les militants de la décroissance sont plus radicaux. En effet, pour eux, le développement durable n’empêche en rien la poursuite d’une logique de croissance économique qui mène tout droit vers les pénuries et les crises. Bien qu’ils paraissent proches, ces deux termes sont donc totalement différents.

Le développement durable vise à concilier croissance économique et respect de l’environnement alors que la décroissance considère que la croissance économique est un des principaux facteurs de la destruction de l’environnement. Par ailleurs, cette notion dépasse largement la question écologique. Dans tous les cas, les adeptes de la décroissance font face à un réel défi politique. Effectivement, jusqu’à maintenant, aucun candidat n’est parvenu à se faire élire sur la base d’un programme promettant la régression matérielle. Pour l’heure, le débat reste ouvert entre les partisans de la décroissance qui décrivent la croissance comme un dogme liberticide et ses opposants.

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